Après une saison extraordinaire, le CF Montréal se retrouve dans une situation des plus surprenantes. Si quelqu’un avait prédit que l’Impact connaîtrait l'une de ses meilleures saisons de son existence, que le stade Saputo serait à nouveau rempli pour des matchs, que Wilfried Nancy serait un candidat au titre d’entraîneur de l’année, mais que ce dernier voudrait quitter le navire, on ne l’aurait jamais cru.
L’histoire est nébuleuse. Personne n’ose en parler. Que s’est-il passé pour qu’on en soit rendu là? Le 98.5 a abordé la situation avec huit personnes au fait du dossier et capables de nous expliquer la situation. Ils ont toutefois tenu à conserver l'anonymat.
Voici donc les informations les plus pertinentes que nous avons pu recueillir.
Le fameux accrochage avec Joey Saputo
Le 9 juillet, le CF Montréal reçoit Kansas City au Stade Saputo, l'une des pires équipes de la MLS. L’Impact a alors perdu ses deux derniers matchs, évoluant sans son meilleur joueur Djordje Mihailovic qui manque à l’appel depuis la mi-mai. La fiche de l'équipe est à ce moment de 9-7-2.
Au cours de ce match, Romell Quioto commet une bourde dans le cercle central, ce qui mène à un but bête où Roger Espinosa lobe le gardien Sebastian Breza, qui se fait jouer un tour sur ce tir de loin.
Pour la première fois de la saison, Nancy est ensuite beaucoup questionné sur sa gestion, principalement celle des gardiens. Breza a alors joué tous les matchs MLS, malgré des performances en dents de scie. Le CF échappe ainsi un troisième match de suite.
Après la défaite, Joey Saputo, frustré du résultat, descend au vestiaire pour adresser la parole aux joueurs et/ou à l’entraîneur. Mais à la porte du vestiaire, il se bute à un Wilfried Nancy qui se montre insistant ; il ne désire clairement pas voir le propriétaire entrer.
Selon nos informations, l’accrochage a été intense. De gros mots ont été échangés de part et d’autre au cours de cette confrontation. Des mots qui, dans bien des cas, ne laissent pas place à un retour en arrière.
Selon certaines rumeurs, que nous n’avons toutefois pas pu confirmer, Saputo n’aurait notamment pas apprécié la gestion des gardiens.
Une chose demeure par contre, c'est qu'après cette rencontre, James Pantemis a finalement repris le poste de gardien numéro un.
L’article de La Presse
Quelques instants après l’altercation, Saputo remonte au deuxième étage et fait connaître ses états d’âme à son président Gabriel Gervais. Le journaliste Jean-François Téotonio de La Presse est témoin de la scène et le rapporte dans le journal.
Selon nos informations, Saputo se serait senti interpellé de façon irrespectueuse par son entraîneur.
Après l’incident, certains joueurs ont immédiatement pensé que c’en était fait de leur entraîneur. Soit il allait quitter, soit il serait congédié.
Mais rien de tout cela n’est finalement arrivé. Ce que l’on nous dit, c’est qu’Olivier Renard et Gabriel Gervais auraient discuté avec les membres les plus importants du groupe de joueurs pour leur demander leur appui pour traverser cette situation difficile.
Nancy songeait même à quitter le navire à ce moment précis, selon nos informations. Après en avoir discuté avec certains joueurs et avec la direction, Nancy décide de rester, mais à deux conditions : Il n’y aura pas de discussions contractuelles pour le reste de la saison, le club ne doit pas non plus enclencher l’option à son contrat et le tout doit demeurer confidentiel, ce que Renard et Gervais ont accepté dans le but de garder leur entraîneur en poste.
Clairement, l’intervention a fonctionné, l’équipe n’a perdu qu’un seul match lors de la deuxième moitié de saison. Les joueurs se sont ralliés à leur entraîneur.
Des propos à point de la part de Nancy
Quelques jours après l’incident, Nancy se représente devant les médias, en préparation pour son match suivant. Téotonio revient à la charge avec une question concernant l’incident.
«J’ai une question un peu délicate, samedi dernier après la défaite, on a aperçu le propriétaire Joey Saputo en colère près de la salle de presse. Il semblait avoir quelques remontrances dirigées vers vous. Qu’est-ce qui aurait pu, selon vous, l’énerver après le match de la semaine dernière?»
Nancy a répondu avec calme à la question.
«Le fait qu’on perde contre une équipe qui est dernière. Sûrement que ça l’a irrité. De mon côté, je suis au club depuis longtemps et j’ai vu plein de choses. Chaque personne mène sa compagnie comme il le souhaite. Je n’ai aucun problème avec ça. Par contre, j’ai des valeurs sur lesquelles je ne dérogerai jamais.»
Les mots clés ici sont : «Je suis au club depuis longtemps et j’ai vu plein de choses.»
La goutte qui a fait déborder le vase
Certains journalistes ont parlé d’une accumulation d’incidents et que ce dernier n’était que la goutte qui avait fait déborder le vase.
En effet, Nancy est avec l’Impact depuis une douzaine d’années. Des incidents et des décisions difficiles à expliquer, il en a vécu.
Il a vu des amis à lui, notamment Mauro Biello, Jason Di Tullio (premier séjour) et Nick De Santis perdre leur emploi au club, malgré avoir accompli de grandes choses et malgré leur dévouement inconditionnel envers l'équipe.
Nancy a-t-il senti la soupe chaude à ce moment-là? S’est-il dit que le même sort risquait de lui arriver et qu’il ferait mieux d’être le maître de sa destinée?
Wilfried Nancy a vécu le froid qui a duré deux ans entre Joey Saputo et le capitaine Patrice Bernier. Il a aussi vécu la déchéance du dossier Jimmy Briand lorsque Saputo a décidé de s’en mêler. S’est-il souvenu qu’avant de congédier Biello, Saputo avait fait visiter les installations du Centre Nutrilait à Rémi Garde? Qu’il n’avait donné à Biello aucun moyen de revenir dans la course aux séries lors de ce mercato d’été, en ne faisant pratiquement aucune acquisition?
Il est vrai que des évènements pas trop glorieux, Nancy en a trop vu. Donc même si l’évènement du 9 juillet ne s’avérait qu’un tout premier incident en ce qui le concernait, peut-être qu'il s’est dit : «Je sais où tout cela s’en va... »
Un changement d’agent
Avant même l’accrochage avec Saputo, l'entraîneur s’était aussi doté d’un nouvel agent, Ron Waxman.
Qu’on l'aime ou que l’on ne l’aime pas, Waxman s’avère un des agents les plus redoutables sur le marché. Certaines équipes nous ont déjà dit détester négocier avec cet homme.
Un membre influent d’une autre organisation nous a indiqué : «Si c’est Waxman son agent, je ne suis pas surpris que la situation soit compliquée».
Waxman utilisera tous les trucs du métier pour en arriver à ses fins, même parfois des ruses qui frôlent les limites de ce qui est acceptable.
Nancy avait-il déjà en tête l’idée de quitter le navire? Ou voulait-il simplement s’assurer de maximiser son prochain contrat?
Des rumeurs circulent à l’effet que l’entraîneur du CFM empocherait un salaire nettement plus bas que la moyenne en MLS, mais selon nos informations, ce ne serait pas le cas. L’attrait de quitter ne serait donc pas nécessairement seulement une question d’argent.
Reste que Wilfried Nancy est sous contrat et que pour l’instant, à moins d’obtenir la permission de l’équipe, il ne peut pas offrir ses services à d’autres clubs.
À Columbus?
Or, le réputé journaliste de la MLS Tom Bogert rapportait, le 25 octobre dernier, que Nancy avait été ciblé par l’organisation du Crew de Columbus pour devenir leur prochain entraîneur.
Avant cette publication du journaliste, le 98.5 FM avait eu vent de cette information, sans toutefois être en mesure d’en prouver la teneur.
Une source au bureau de la MLS nous indique toutefois que le tweet de Bogert a fait sursauter certains hauts placés du circuit. Des informations qui circulent en coulisse indiquent qu'une poignée d'équipes auraient des informations à partager sur le sujet.
Du maraudage, c’est difficile à prouver, mais il n’est pas impossible que la MLS enquête sur cette histoire pour s’assurer que tout se soit passé dans l'ordre.
On entend dire qu’au moins deux membres de l’équipe d’entraîneurs songeraient à suivre Nancy s’il venait à quitter. Si on en est rendu là, c’est que certaines roues tournent déjà.
Nous n’avons pas d’information en ce moment qui nous porte à croire que le club ait donné le feu vert à Waxman pour entamer des discussions avec d’autres équipes ou que les deux clans se soient reparlés sérieusement depuis la fin de la saison.
Rester à Montréal oui, mais pas à tout prix
Dans le passé, nous avons vu des anciens du club comme De Santis, Biello ou même John Limniatis, perdre des postes importants au sein du club.
Même si tout n’est pas parfait chez l’Impact, il va sans dire que ces trois personnages auraient volontiers signé des prolongations de contrat avec l’équipe, simplement à cause de leur attachement envers le club.
Ces trois anciens grands sont donc demeurés à Montréal après leur départ, à cause de leur famille, de leur amour pour Montréal et en raison de leur situation résidentielle.
Après 12 ans à Montréal, on aurait pu penser que Nancy serait aussi porté à passer l’éponge sur certains accrochages afin de demeurer l’entraîneur du CF Montréal, mais selon certaines personnes près de Nancy, sa situation est bien différente de celle des autres.
«Wilfried est un entraîneur de carrière, nous lance un informateur. Il sait très bien que dans le but de faire avancer sa carrière, il se pourrait qu’il soit obligé de quitter Montréal, et il est prêt à le faire sans hésiter si nécessaire.»
Nancy avait-il donc cela en tête depuis un bout de temps?
«Dans la dernière année, son comportement vis-à-vis le club a changé nous indique un témoin. Ce n’est plus le Wilfried Nancy, entraîneur recrue de l’an passé.»
Si c’est le cas, Nancy a-t-il simplement gagné en confiance, ou le succès a-t-il altéré sa façon d’agir?
Certains croyaient qu’une fois la saison terminée, ce dossier se réglerait quand même aisément, surtout après une saison décorée d’autant de succès.
«Je pensais que rendu à ce stade-ci, cette histoire aurait coulée sous les ponts, nous indique un joueur de l’équipe. Oui, sur le coup c’était quelque chose, mais je ne pensais pas, à ce stade-ci de l’année, que ce serait encore un enjeu qui ferait en sorte qu’il puisse partir.»
Notons que comme pour Biello à l’époque, Saputo n’a pas délié les cordons de la bourse pour son entraîneur lors du mercato estival. Lorsque questionné sur ce sujet, Nancy en était clairement déçu.
Et maintenant quoi?
Il va falloir que quelqu’un fasse le premier pas. Wilfried Nancy ne désirait pas négocier durant la saison, mais à un moment donné, les deux clans vont devoir se parler, pour le bien de tous.
Cette semaine, le club doit prendre des décisions concernant certains joueurs et il serait important pour les dirigeants d’avoir l’opinion de leur entraîneur à savoir ce qu’il pense de certains d’entre-eux.
Renard et Vassili Cremanzidis ont fait un excellent travail pour bâtir une équipe des plus compétitives. Mais ce genre de décision se prend normalement de concert avec l’entraîneur.
Gervais l’a dit publiquement et le 98.5 FM a aussi su que le club est prêt à offrir un contrat à long terme à Nancy, s’il désire rester. Joey Saputo aurait donné son approbation à ses hommes dans ce dossier.
«Joey est venu dans le vestiaire nous féliciter pour la saison après le dernier match, il en a aussi profité pour encenser Nancy, nous a expliqué un joueur. Je croyais donc que la chicane était terminée.»
Même si Nancy a un contrat en bonne et due forme au club pour 2023, si on se fie à la façon de travailler de Renard, si l’entraîneur veut véritablement quitter, il ne le retiendra pas.
Ceci dit, une somme devra sûrement être payée par l’équipe qui désire faire son acquisition. À savoir à combien se chiffrera ce montant, c’est une question qui demeure sans réponse pour l’instant.