Dans la vie d’un amateur de musique, il y a les concerts qu’il rate, ceux qu’il va voir, ceux qu’il estime qu’il n’a pas le droit de rater et ceux que tout-le-monde-veut-voir. Celui des Foo Fighters, présenté lundi à l’Auditorium de Verdun, entre dans cette dernière catégorie.
Depuis que le groupe de Dave Grohl a annoncé il y a moins de deux semaines la tenue d’un concert pour 4000 personnes à Verdun, là où il a joué il y a 20 ans avec son groupe et il y a 30 ans au sein de Nirvana, la soirée de lundi s’annonçait comme la plus courue de l’année, rayon concerts, à Montréal.
Et rien n’a dissipé ce sentiment depuis lors, surtout pas le principal intéressé après avoir interprété une poignée de chansons.
«Ça va être une très loooongue soirée», a dit Grohl qui avait longuement fixé la foule en délire en arrivant sur scène quelques minutes plus tôt, comme pour prendre acte du moment qui s’annonçait passablement historique pour cette dernière.
Et ce le fût.
Source: PC/Karoline Boucher
Anticipation monstre
Fébriles et excités comme des enfants de cinq ans devant le père Noël, 3 763 spectateurs se sont égosillés en chantant, criant et hurlant durant deux heures et vingt-cinq minutes, au grand plaisir de Grohl qui se plaisait à interagir avec eux.
On dit 3 763 plutôt que 4 000 - comme la salle était configurée -, car, visiblement, les revendeurs qui ont mis la main sur des billets de 160 $ lors de la vente initiale n’ont pas pu revendre certains d’entre eux 4 ou 5 fois plus chers. On a beau vouloir asssiter à un spectacle, 600 $ ou 900 $ pour un billet, ça refroidit les ardeurs…
Lors de ce concert inattendu dans une salle ou Grohl remettait les pieds depuis 20 ans et certains spectateurs depuis le siècle dernier – c’est mon cas -, l’ambiance a été à la défonce durant un bon moment.
Le trio d’ouverture (Rescued, Walk) a culminé avec une version apocalyptique de No Son of Mine qui comprenait un clin d’œil à Paranoid, de Black Sabbath, où Grohl, possédé, a offert le premier de nombreux cris gutturaux de la soirée. Ce n’était plus uniquement lourd et mordant, c’était carrément féroce.
Le leader des Foo Fighters n’a cessé de demander d’allumer les lumières pour voir la foule en sueur qui a chanté à s’en péter les cordes vocales plus souvent qu’à son tour, notamment durant Learn To Fly.
«Je n’ai pas été dans cette salle depuis sacrément longtemps. Qui nous a déjà vus? (Beaucoup de mains levées) Qui était là il y a 20 ans?» (Beaucoup moins).
Amorcée avec une vague de bras au parterre, The Pretender a été l’une des plus grosses claques de la soirée quand les riffs de guitare de Grohl avaient comme écho les clameurs («Hey!») de la foule. Une vraie chanson à répondre guitare-voix hard rock-métal.
Source: Cogeco nouvelles
Tout est possible
Pour ce groupe qui a failli disparaître avec le décès du batteur Taylor Hawkins en 2022, l’actuelle tournée a un petit quelque chose de salvateur. Et, peut-être encore plus que naguère, tout peut arriver.
Quelles sont les chances d’entendre du Devo et du Michael Bublé à un concert des Foo Fighters? Ça peut arriver quand ton nouveau batteur (excellent Josh Freese) a été l’ancien batteur de Devo et de Bublé…
Un petit duo père-fille? Pourquoi pas. La fille de Grohl, Violet, est venu interpréter en duo Shame Shame et Show Me How avec papa et ses potes. Verdict? L’adolescente de 17 ans s’est bien tirée d’affaire et avec un mentor comme son père qui vénère l’histoire du rock, on se dit qu’elle est entre bonnes mains.
L’histoire, disais-je? Grohl a une relation d’amour avec Montréal et il l’a étalé tout au long de la soirée. Avec d’interpréter My Hero, il a noté que l’un de ses groupes favoris était Voïvod et il a dédié la chanson à Michel «Away» Langevin qui était présent dans la foule et qui l’a salué.
Puis, après avoir souligné que Aurora était la chanson préférée de Hawkins, il lui a dédiée, comme il le fait lors de cette tournée, mais il l’a aussi dédiée à une «vieille amie», la musicienne Melissa Auf der Maur… qui est son ancienne amoureuse.
Et que dire de cette invitation personnelle au trio québécois féminin Les Shirley afin que ces dernières s’acquittent de la première partie. Durant les 45 minutes passées sur scènes, Raphaëlle Chouinard (guitare) et Sarah Dion (basse) n’ont pas cessé de dire à quel point elles étaient estomaquées de l’invitation entre deux salves vitaminées avec Lysandre Bourdages (batterie). Opération menée à bien. Les filles ont tout donné.
Mitraille assourdissante
Si les Foo Fighters ont proposé quelques moments d’accalmie, les chansons visant à décoiffer l’assistance lors de cette soirée pluvieuse et moite ont largement dominé. This Is a Call, avec la mesure battue par la foule, était complètement dingue. C’était Foo… All My Life a mené à une mitraille de coups sourds de Fresse en clôture, tandis que Monkey Wrench et Best of You ont tout ravagé sur leur passage.
«J’ai une confession à vous faire. J’adore gros shows, les gros stades, les gros arénas, mais ça – en pointant la foule au parterre – c’est pas mal ce qu'il y a de mieux», a dit Grohl qui a affiché une voix d’enfer, une énergie débordante et une passion enivrante.
Personne ne le contredira parmi les spectateurs trempés de sueur qui ont quitté l’auditorium après une version festive de Everlong en se disant que de voir un groupe dix fois trop gros pour la salle, en définitive, c’était bel et bien un moment historique.