Dans la foulée de la collision d'un cargo avec le pont Francis Scott Key, à Baltimore, qui s'est ensuite effondré, l'animateur Patrick Lagacé discute avec le Français Michel Virlogeux, un ingénieur des ponts et chaussées, spécialiste mondialement reconnu de la conception des ponts.
L'effondrement du pont aurait-il pu être évité?
«Malheureusement, vu la taille du navire de 300 mètres de long qui pèse 110 000 tonnes, qui, en plus, entraîne un très gros poids d'eau quand il navigue... Et à partir du moment où il est venu frapper une pile (pilier), le résultat était malheureusement inéluctable. La pile n'avait aucune chance de résister au choc.»
Comment prévenir de tels accidents, dans la mesure que les bateaux et cargos d'aujourd'hui n'existaient pas dans les années 1970, époque de la construction de bien des ponts encore en service de nos jours?
«La bonne solution pour éviter ces accidents, c'est d'augmenter la portée, c'est-à-dire la distance entre les piles principales. Dans le cas de cet ouvrage, la portée n'est que de 366 mètres si mes souvenirs sont bons. Aujourd'hui, à l'entrée d'un port comme ça, on construirait certainement à la place de ce qui a été construit à l'époque un pont à haubans avec une portée de 600 ou 700 mètres.»
Est-ce que ces accidents sont fréquents?
«Fréquent? Ça dépend ce qu'on appelle fréquent, mais il y en a quand même très régulièrement.
«J'ai commencé ma carrière en 1970 et on a commencé à entendre parler sérieusement de ces problèmes à la fin des années 1970, début des années 1980. Je me souviens que l'un des premiers dont j'ai entendu parler, c'est l'effondrement d'un pont en Tasmanie, une île au sud-est de l'Australie. Après, il y a eu l'effondrement du pont de Tampa, en Floride, l'effondrement du viaduc d'accès au pont de Maracaibo au Venezuela, un pont en Suède.. Donc, dans les années 1980, même déjà un peu avant, on commençait à très sérieusement tenir compte de ce risque qui faisait partie des données fondamentales de la conception des ouvrages.»
«Je vais prendre un exemple au Canada, puisque j'ai fait partie de l'équipe de conception du pont de l'île d'Orléans. Dans le cas du pont d'Orléans, on a fait une analyse des bateaux qui sont susceptibles de naviguer sur ce bras du Saint-Laurent et d'évaluer le choc que peuvent produire ces bateaux. Et à ce moment-là, les fondations du pont de l'île d'Orléans ont été dimensionnées pour résister à ce choc. Par contre, il est évident que si on avait dû tenir compte d'un porte-container de 100 ou 200 000 tonnes, ça n'aurait pas été possible.»
Ce dernier estime que le respect des normes de sécurité n'est peut-être pas suffisant.
On l'écoute...