Au cours des cinq dernières années, pas moins de neuf nouveaux stades ont été érigés dans la MLS, chacun étant toujours plus neuf et plus moderne que le précédent. Plus on avance et plus les stades du circuit Garber sont dispendieux et luxueux.
Ceci fait en sorte que le Stade Saputo, qui a été construit en 2008 et amélioré en 2012, commence déjà à tirer de la patte. Encore une fois cette année, le même problème se produit, il faut encore débuter la saison au Stade olympique, car le Stade Saputo n’est toujours pas prêt pour l’hiver.
Le propriétaire Joey Saputo est bien au fait du problème et tente depuis déjà plusieurs années de remédier à cette situation. À long terme, il ne sera pas viable pour le CF Montréal de continuer à rivaliser avec les autres équipes de la MLS si le club continue d’évoluer dans le Stade Saputo, dans son état actuel.
Selon nos informations, Saputo a travaillé de concert avec les firmes Populous et Espace Construction dans le but de mettre sur pied des esquisses qui montrent le Stade Saputo avec toutes les améliorations.
La première a été réalisée en 2017, puis une version améliorée date d’il y a quelques années. Le club a d’ailleurs sondé plus de 1000 amateurs l’automne dernier dans le but de savoir quelles étaient les améliorations qu’ils aimeraient voir être apportées au Stade Saputo.
Accroître les revenus
Le premier changement majeur visait à ajouter le nombre de billets premium au stade. On allait donc détruire la section nord du stade, à partir de la galerie de presse (rue Sherbrooke) vers le haut. Il était prévu de faire monter quatre étages de loges de luxe vitrées, une section que l’on voulait appeler la section « club ».
Source: Section des loges vitrées au Nissan Stadium du Nashville SC (Mortenson-Messer)
Dans ces sections, un billet peut se vendre à quelques centaines de dollars, ce qui est beaucoup plus qu’un billet régulier.
Dans la majeure partie des stades de la MLS, 15% des billets sont de valeur premium, c’est là où se trouve la grande partie du profit. Les équipes les mieux nanties récoltent environ 50% à 70% de leurs revenus via ces billets.
Source: Des loges de luxe au Banc of California Stadium où joue le LAFC
En ce moment, au Stade Saputo, il n’y a que 6% des sièges qui sont jugés premium. Un net retard par rapport aux autres stades de la ligue. Le CF Montréal viserait plutôt 12% à 14% de sièges premiums.
Lors des dernières années, certains billets comme ceux des sections du Salon BMO sont passés à l’appellation premium, mais on ne parle ici que de quelques centaines de billets seulement.
Selon nos informations, certains au Parc olympique ne seraient pas enthousiastes à l’idée de voir une structure venir cacher en partie la tour du Stade olympique.
En plus de la section club, on avait l’intention de déplacer l’entrée des joueurs sur le terrain au centre de la section nord, et non plus au coin nord-ouest. Des sections premiums autour de cet accès étaient aussi prévues.
Il y a aussi des travaux à faire tout autour du stade pour augmenter la capacité électrique, ajouter des concessions alimentaires, des terrasses et des salles de bain. Sans compter l’amélioration des deux entrées du stade.
Source: La section entrée des joueurs au Banc of California Stadium où joue le LAFC
Des idées qui ont été abandonnées
Un problème majeur pour Joey Saputo c’est que son stade n’est utilisé que 18 à 20 fois par saison. Pour le rentabiliser, le club a pensé y tenir d’autres évènements. Il a même été question, à un moment donné, d’inviter les Alouettes à y jouer leurs matchs.
Mais il aurait fallu remplacer les bancs les plus près du terrain par des sièges amovibles, car actuellement, le terrain n’est pas suffisamment grand pour y recevoir un club de la LCF. Il y a aussi la problématique du terrain naturel qui en prendrait pour son rhume si une équipe de football s’y installait.
Alors si ce n’est pas du football, alors il faut trouver d’autres évènements. Des concerts seraient aussi difficiles à organiser.
Saputo a aussi songé faire allonger la toiture du stade dans le but de couvrir tous les sièges. Mais selon nos informations, la structure n’est pas en mesure de soutenir le poids nécessaire pour cela, et le garage situé directement sous le stade l’empêcherait aussi. Au mieux, on pourrait ne couvrir que l’estrade nord.
À quand l’hivernisation du Stade?
Tel que mentionné plus haut, contrairement par exemple au Tim Horton’s Field à Hamilton, le Stade Saputo n’est pas conçu pour l’hiver.
Remplacer la surface de jeu par un terrain chauffant n’est pas le plus grand défi, mais c’est un problème qui est inutile à régler si on ne fait pas le reste.
À quoi bon avoir une surface chauffante si le reste du stade est inutilisable. Rappelons que la plomberie n’est pas fonctionnelle durant l’hiver et les bancs ne sont pas non plus conçus pour être utilisés lors de journées froides. Il faudra aussi éventuellement les remplacer. Il faut tout faire, pour que ce soit utilisable.
Donc, pour le moment, sans mauvais jeu de mots, l’hivernisation du stade demeure sur la glace.
Pourquoi ne pas procéder maintenant?
Selon nos informations, on parle ici d’un projet total d’entre 75 M$ et 100 M$. Un montant que la famille Saputo serait prête à débourser à 100%, sans demander l’aide du gouvernement. Ce qui est assez rare.
Jusqu’à maintenant, le Stade Saputo a coûté un total de 63 M$, dont 40 M$ ont été payés par les Saputo et 23 M$ par les contribuables.
Par contre, le grand manitou du CF Montréal n’a jamais caché son désarroi vis-à-vis les taxes qu’il doit payer annuellement sur la structure. À ne pas confondre, on parle ici de taxes foncières et non d’impôts.
Le 98.5 Sports était présent à la Cour municipale de Montréal en 2019 lorsque les avocats de l’Impact et ceux de la Ville de Montréal se sont serré la main suite à une entente par rapport aux taxes antécédentes.
C’était une petite victoire pour Joey, mais dans les faits il n’a gagné des points que dans le dossier du Centre Nutrilait, et pas grand-chose pour ce qui est du Stade Saputo. Il n’a rien gagné sur les taxes qui allaient devoir être payées dans les années suivantes.
Un contrat qui ne fait plus l’affaire
Ce qu’il y a de particulier, c’est que Saputo doit débourser les taxes foncières sur un stade qui ne lui appartient pas. Lorsqu’il a fait construire le stade sur le terrain du Parc olympique, il a signé un bail emphytéotique de 40 ans, dont les 14 premières années sont derrière nous.
Dans ce type d’entente, c’est le locataire qui débourse les taxes annuelles et toutes les autres taxes connexes. Lors de sa première conception, le Stade n’était qu’un terrain avec des estrades autour. Il faut dire qu’avant la construction du stade, le terrain vide de l’angle Sherbrooke et Viau ne générait pas un sou.
Au fil des années, Saputo a continué d’injecter des fonds et l’amphithéâtre est devenu un stade, et a pris de la valeur. Il va sans dire que le compte de taxes a aussi augmenté. Et si Saputo procède à nouveau avec ces améliorations, il risque de devoir débourser environ 2 M$ à 4 M$ supplémentaires annuellement.
Si Saputo vend l’équipe, il ne pourra pas passer le stade dans la transaction, dans le but de se rembourser. Le Stade continuera d’appartenir au Parc olympique malgré une injection massive de fonds de sa part. Alors, quoi faire?
Saputo pourrait-il passer devant les tribunaux pour tenter de mettre un terme à l’entente? Difficile à dire, les baux emphytéotiques ne sont pas faciles à briser.
Selon nos informations, en 2004, lorsque le Stade Uniprix (aujourd’hui IGA) a été rénové, il faisait aussi l’objet d’un bail emphytéotique. Mais finalement, une entente avec la Ville de Montréal a été conclue, permettant aux travaux d’avoir lieu.
Y a-t-il une solution de ce type dans les cartes pour Saputo? Espérons-le, car c’est le sort de la franchise qui en dépend. Sans entente il y a peu de chances que les travaux aillent de l’avant.
Lors d’un point de presse la semaine dernière, le commissaire Don Garber avait réagi aux travaux qui doivent être entamés et qui ne l'ont pas encore été.
«Plusieurs embûches se dressent devant lui (Saputo). Son entente pour son stade est unique et l’empêche pratiquement d’y investir plus d’argent pour continuer à offrir aux amateurs une expérience des plus modernes. Je sais que Joey veut procéder et il en est très frustré. Mais on le limite dans ce qu’il peut faire, il faut quand même que ça demeure logique et rationnel financièrement.»
Il a tout de même tenu à réitérer que selon lui Joey Saputo demeurait son homme de confiance ici à Montréal.